Pierre Pirotte by Jean-Luc Debry

Pierre Pirotte by Jean-Luc Debry

Auteur:Jean-Luc Debry
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Prospéro's books
Publié: 2017-03-02T05:00:00+00:00


Bernay

UN DES DERNIERS dimanches de mai, Eugène Pirotte, le frère de Pierre, qui tenait un magasin de bimbeloterie dans la grande rue de Bernay, vint trouver Fauvel le pharmacien, dont le magasin faisait face à sa boutique. Fauvel malgré son jeune âge, 25 ans à peine, parce qu’il était toujours bien mis de sa personne, faisait forte impression Lorsque, le dimanche après-midi, il se promenait au bras de sa jeune épouse dans les rues de Bernay, vêtu d’une redingote de bonne facture, la tête couverte d’un chapeau à la mode et portant à la main une belle canne bien ouvragée qu’il balançait négligemment, il en imposait et les passants les saluaient avec déférence. Ce jour-là, il était tête nue et avait passé une simple blouse sur sa tenue de ville. Une aimable conversation s’engagea sur le pas de la porte.

À l’intérieur, plusieurs personnes, dont monsieur Philoque Paul, mercier de son état, attendaient patiemment. Eugène Pirotte, fier de pouvoir donner des nouvelles fraîches des événements parisiens, montra une lettre.

— Je viens juste de la recevoir de Paris. Elle émane de mon frère qui l’habite, dit-il bien fort pour que tous l’entendent.

Comme le pharmacien avait un médicament à préparer pour un de ses clients, il s’en occupa et, délaissant l’actualité pour ses obligations, se retira derrière son comptoir. Eugène Pirotte, comme on le lui demandait avec empressement, convaincu qu’il était du succès imminent de la Commune, lut à haute voix aux personnes présentes la lettre en question. Le pharmacien Fauvel sur le moment n’y prêta pas grande attention. Mais quand le lecteur eut terminé, il s’approcha de lui et lui demanda ce que contenait de si intéressant cette lettre. Son voisin la relut une seconde fois et de bon cœur. Il était dit que son frère, Pierre, était capitaine dans une compagnie de fédérés, qu’il y avait été blessé au couvent des Oiseaux d’une balle qui lui avait effleuré transversalement l’arrière de la tête. Il exprimait ses sympathies pour la Commune et son animosité contre les troupes de Versailles. Il écrivait même à son frère, qui en sourit, attendri, que s’il le trouvait dans un camp de Versaillais, il lui tirerait dessus comme sur un autre. En même temps qu’il lui en donnait lecture, le pharmacien lut la lettre par-dessus son épaule. Son trouble s’accrut à la vue de cette écriture régulière dans la graphie et maladroite dans les tournures. Mon Dieu, Seigneur, et si c’était vrai qu’ils allaient l’emporter. Les partageux au pouvoir, il ne manquait plus que ça ! Ah, comme si ce n’était pas assez d’avoir appris que ce pauvre empereur Napoléon III avait été hué par ses propres troupes alors que prisonnier, après la capitulation de Sedan, son équipage fendait la masse compacte des régiments de son armée défaite. Les soldats français désarmés, amassés de part et d’autre de la route, surveillés par des Bavarois goguenards, avaient humilié leur empereur. Une scène à vous glacer le sang. Mon Dieu, quelle époque !

Ensuite, Eugène Pirotte, insouciant, s’en retourna vers son bazar.



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